La cruauté envers les animaux n’est-elle pas surtout révélatrice d’un environnement violent?
3 septembre 2023

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On appelle maltraitance d’un animal des actes qui, par omission ou intentionnellement, infligent de la douleur, des blessures, de la souffrance et/ou de la détresse, physique et/ou psychologique, pouvant conduire à la mort.
4 catégories ont été définies par le service public pour désigner les actes de maltraitance animale :
– Les mauvais traitements: privations de nourriture, d’abreuvement ou de soins, maintien dans un habitat ou un environnement pouvant être cause de souffrance.
– L’abandon,
– Les sévices graves et actes de cruauté,
– Les atteintes à l’intégrité et à la vie de l’animal.
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Gandhi estimait qu’on peut appréhender l’humanité d’une personne à la façon dont elle traite les animaux.
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Les chiffres de la gendarmerie
La police et la gendarmerie nationales ont enregistré 12 000 infractions visant des animaux de compagnie ou d’élevage en 2021 (dont 42% de délits : sévices graves, actes de cruauté). Ces faits de violences ont progressé de 30% depuis 2016. Concentrés en zone rurale, ils ciblent principalement des chiens et des chats.
Le ministère de l’intérieur et de l’outre-mer a publié en octobre 2022 une étude sur les atteintes envers les animaux et leur évolution entre 2016 et 2021. Celle-ci met en lumière une hausse globale de ces infractions et dévoile les caractéristiques des auteurs et des victimes.
De plus en plus de maltraitance animale
En 2021, les infractions commises sur des animaux domestiques correspondent à :
- des mauvais traitements (35% du total) : privation de soins et de nourriture, placement dans des habitats susceptibles de causer des souffrances… ;
- des sévices graves (34%) : sévices sexuels ou actes de cruauté accomplis dans l’intention de faire souffrir ou de tuer ;
- des atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de l’animal (14%) ;
- d’autres infractions (13%), liées à l’abattage, à la vente, à l’achat, à la circulation, à l’identification d’animaux ou à la réglementation des établissements accueillant des animaux ;
- l’abandon volontaire (5%, soit 630 faits). Les associations de protection animale recensent, quant à elles, environ 100 000 abandons par an car elles comptabilisent aussi les cessions d’animaux en refuge, qui ne sont pas pénalement répréhensibles.
Dans certains cas, des infractions multiples sont commises. Certaines infractions ont beaucoup progressé de 2016 à 2021 :
- les abandons, passés de 330 à 630 (+93%). Selon les associations de protection animale, ils ont bondi durant la crise sanitaire liée au Covid-19, touchant particulièrement les nouveaux animaux de compagnie (lapins, serpents, souris…) ;
- les mauvais traitements (+38%) ;
- les sévices graves (+36% entre 2019 et 2020).
Et ce que nous percevons tous a été démontré scientifiquement depuis plus de quarante ans maintenant : les personnes qui maltraitent les animaux ont plus de risques de maltraiter également les personnes et réciproquement.
Ce qui signifie que celui qui maltraite son chien peut maltraiter les siens, et quand un enfant est maltraité, les animaux à ses côtés sont susceptibles d’être en danger. La maltraitance ne connaît pas de frontières entre les espèces.
Oui, la violence envers les animaux est bien souvent un indicateur de violence future. Ceux qui maltraitent des animaux auraient cinq fois plus de chances de commettre des actes violents envers des humains.
Selon Kathleen M. Quinn, les enfants qui maltraitent des animaux démontrent le premier indice, ainsi que l’indice le plus fiable, de comportement violent. De même, la violence envers les animaux est souvent un indicateur de violence familiale, d’abus ou de négligence envers les enfants.
Violence envers les animaux et violence familiale
- Sur un échantillon de femmes, les femmes battues et victimes de violence avaient 5 fois plus de probabilité que leur partenaire ait menacé de violence un animal familier comparé aux femmes n’ayant pas été victimes de violences intimes.
- 18% à 45% des femmes battues indiquaient que la crainte que leur conjoint ne s’en prenne à leur animal familier les a empêchées de le quitter plus tôt.
- Chez l’adulte, la cruauté commise envers les animaux est liée aux violences perpétrées sur les enfants, les partenaires intimes, et les personnes âgées. Ces conduites se produisent souvent dans les mêmes maisons et sont perpétrées par la même personne : un homme adulte.
- Chez un nombre significatif d’adolescents devenus tueurs, il a été noté que le contexte familiale valorisait la chasse comme loisir.
- La cruauté envers les animaux était présente dans 88% des familles montrant un abus d’enfant. 2/3 des animaux étaient victimes du père et 1/3 des enfants.
- Les enfants victimes de violences sexuelles avaient 6 fois plus de probabilité d’être auteur d’actes de cruauté envers les animaux.
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Ces études indiquent que la maltraitance animale durant l’enfance doit être un signal de prévention de violences familiales. Ascione & Arkow (1999) se sont penchés sur une population d’enfants victimes de violences et a constaté que ceux ayant subi des violences sexuelles ont une probabilité six fois plus grande d’être auteurs de violence envers les animaux.
Chez l’adulte, la maltraitance animale serait associée à des violences commises tant sur les enfants, les partenaires intimes, et les personnes âgées. Concernant la violence intrafamiliale, la prévalence des menaces de violence et de mort sur l’animal de compagnie, alors que la femme subit des violences conjugales, serait de 52,9 à 54% (Ascione & Arkow, 1999; Monsalve et al.,2017; Weisslinger, 2021).
Ces violences croisées s’imbriqueraient dans une dynamique commune dont l’enjeu serait la domination des êtres vulnérables, que l’on retrouve chez les psychopathes et sociopathes (Rock et al., 2021). En effet, le DSM-IV fait de la cruauté envers les animaux un des symptômes diagnostic précoce du trouble des conduites (American Psychiatric Association, Guze, 1995).
Parce que la violence conjugale est dirigée vers le plus faible ou l’impuissant, les mauvais traitements sur enfant et les mauvais traitements sur animal vont souvent de pair. Des parents, qui négligent le besoin d’un animal ou le maltraitent, peuvent aussi maltraiter ou négliger leurs propres enfants.
Cependant, la corrélation entre la maltraitance animale et la violence envers les humains ne se résume pas seulement à la cruauté infantile, mais s’illustre également parfaitement par la violence d’un membre de la famille (souvent le père) qui impose son pouvoir sur les autres membres en leur montrant que le sort réservé à l’animal de la famille (maltraitance, blessure, mutilation, voir mise à mort) pourrait être celui réservé aux membres de sa famille qui refuseraient son autorité, on parle alors de « tyran domestique ».
Un certain nombre d’études sur les femmes battues montre que plus de 55% d’entre elles disaient que leur conjoint maltraitait ou battait les animaux. Une sur cinq disait rester avec son conjoint violent par peur des représailles sur les animaux (2).
Maltraitance animale et criminalité
“Quelqu’un qui s’est habitué à considérer la vie de n’importe quelle créature vivante comme sans valeur, finit par penser qu’une vie humaine ne vaut rien” écrivit l’humaniste Dr Albert Schweitzer.
Maltraiter un animal n’est pas le simple résultat d’un désordre mineur de la personnalité, mais le symptôme d’une perturbation mentale profonde. Les recherches en psychologie et en criminologie montrent que les gens qui commettent des actes de cruauté envers les animaux ne s’arrêtent pas là. Beaucoup d’entre eux reportent cette violence sur leurs semblables.
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- Après un suivi de 100 personnes ayant menacé quelqu’un de mort dont 48 patients
psychotiques et 52 non psychotiques vivant dans un hôpital, il a été noté que cruauté
enfantine envers les animaux et violence ultérieure face à des êtres humains étaient
étroitement liées. - Selon Robert K. Ressler, qui a développé des profils de tueurs en série pour le FBI:
« Les meurtriers ont très souvent commencé en torturant et tuant des animaux alors
qu’ils étaient encore des gosses » - 45% des adolescents impliqués dans 9 fusillades mortelles en contexte scolaire,
avaient précédemment été auteurs d’actes de cruauté sur animaux - Sur 36 prisonniers auteurs de plusieurs meurtres, 36% d’entre eux disaient avoir tué et
torturé des animaux durant leur enfance, et46% avoir commis ces actes de cruauté
durant l’adolescence. - Sur 180 prisonniers, les actes de violence envers les animaux que déclaraient les
prisonniers étaient particulièrement fréquents..
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Arrêter le cercle de maltraitance : miser sur l’éducation !
Du fait notamment des associations qui luttent pour le bien-être des animaux, ces derniers sont, depuis le lendemain de la publication au JO du 17 février 2015 de la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des affaires intérieures dans le Code civil, reconnus comme des « êtres vivants doués de sensibilité » (nouvel art. 515-14) . Les Soroptimist de la Réunion et l’association « Les oubliés de la RUN »proposent du matériel pédagogique de la maternelle à l’université pour changer les mentalités et éduquer à la bienveillance envers les animaux.
Ces associations luttent contre l’abandon, la maltraitance, le trafic et l’exploitation illégale des animaux (cosmétiques, fourrures).
Les numéros d’urgences sont ceux utilisés pour les humains soit le 17 et le 112 pour alerter d’une maltraitance animale.
Enfin, il existe également la Journée Internationale pour les Droits des Animaux (JIDA), journée anniversaire de la ratification de la Déclaration des Droits de l’Homme, diverses actions de sensibilisation sont organisées en France et dans le monde autour du 10 décembre pour promouvoir la reconnaissance des droits fondamentaux des animaux non humains à ne pas servir les intérêts humains.
Il est évident que l’école a un rôle majeur à jouer pour prévenir et freiner la violence dans nos sociétés qui sont devenues trop permissives, et qui deviennent de plus en plus agressives. La connaissance de l’animal et sa perception comme être sensible semble d’ailleurs être la seule voie salutaire : des jeux vidéos informatiques, des programmes scolaires peuvent initier le jeune à la parenté des espèces, à l’évolution, et à la biodiversité, à la similarité des programmations génétiques et des physiologies de toutes les formes de vie animale, (et en particulier de leur sensibilité à la douleur), à la diversité des expressions comportementales…. En effet, on sait bien que la connaissance et le savoir conduisent au respect. Ainsi connaître les animaux, leur vie, leur diversité conduit nécessairement à respecter leur sensibilité à la douleur, leurs besoins physiologiques, la place de leurs espèces dans les écosystèmes.
Et puisqu’il est admis que la violence exercée contre les animaux est liée à la violence exercée contre les hommes, il est logique d’affirmer l’exactitude de la position contraire : le respect des animaux par l’homme est inséparable du respect des hommes entre eux.
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A qui signaler les cas de maltraitance animale ?
Les maltraitances animales peuvent être signalées :
– à la police ou à la gendarmerie,
– aux services vétérinaires de la direction départementale de protection des populations,
– ou à une association de protection animale.
On peut aussi saisir le Procureur de la République du lieu de l’infraction, en apportant tous les éléments de preuve, par lettre simple.
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Des sanctions pénales aggravées par la loi de 2021
Le code pénal punissait déjà les sévices graves ou les actes de cruauté envers un animal domestique.
La loi sur la maltraitance animale votée par le Sénat le 18 novembre 2021 vient, entre autres, de durcir les sanctions. En effet, celles-ci pourront être aggravées, notamment lorsque les faits sont commis en présence d’un enfant.
Sont aussi aggravées les peines en cas d’abandon dans certaines circonstances. Par ailleurs, un amendement transforme en délit à la place de simple contravention le fait de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé. Des exceptions sont prévues pour les traditions locales (la tauromachie notamment).
Dans les faits, la nouvelle loi porte les sanctions à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (2 ans actuellement et 30 000 €) et 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende en cas de mort de l’animal.
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La SPA de Paris à La Réunion pour sensibiliser les forces de l’ordre à la maltraitance animale.
Article de FranceInfo à lire ici
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LES CHIENS DE LA RÉUNION – QUI SONT-ILS ?
Article du blog « Vox Canis » à lire ici